Le Marché solidaire vu du Japon

Le quotidien nippon Asahi Shimbun a consacré une série de reportages à l’aide alimentaire en France. A cette occasion, fin novembre 2023, la journaliste Mihoko Terada est venue voir comment fonctionnait notre épicerie solidaire. Voici son article traduit dans son intégralité.

Les dons de nourriture collectés par les banques alimentaires, telles que la Collecte Nationale, parviennent aux personnes dans le besoin par l’intermédiaire d’organisations d’aide. L’aide varie, mais on s’attend à ce qu’elle ait pour effet de prévenir la solitude, en particulier chez les personnes dans le besoin, ce qui ne peut être réalisé par la seule assistance publique du gouvernement.

 

Les étagères sont garnies de conserves, d’huile de salade, de chocolat et de pâtes. Outre les légumes et les fruits, le réfrigérateur contient également du jambon et des yaourts. De l’extérieur, cela ressemble à un petit magasin normal, mais ce qui est différent, c’est le prix. Les produits sont vendus à 20 % du prix d’un supermarché normal.

Un mardi après-midi, une mère célibataire de six enfants (45 ans) arrive en tirant un sac à provisions sur roulettes. Elle dépose l’un après l’autre le lait, les céréales et d’autres articles sur
la table de la caisse. Elle choisit une vingtaine de produits, dont des bananes et des pommes de terre, d’une valeur de 50 euros, pour une dizaine d’euros (environ 1660 yens). Les produits traités
par ce supermarché de l’aide sociale sont principalement des articles provenant de la grande banque alimentaire française Banque Alimentaire, des invendus de supermarchés qu’ils reçoivent chaque
semaine et des denrées alimentaires achetées à bas prix par l’organisation. L’objectif n’est pas d’apporter un soutien permanent, mais d’aider les personnes qui rencontrent des difficultés financières temporaires à surmonter leur situation. Dans le cas d’une femme, la violence de son mari s’est aggravée après la catastrophe de Coronavirus, alors qu’elle était souvent à la maison, et
il l’a quittée il y a environ trois ans pour élever seul ses enfants ; deux de ses six enfants, aujourd’hui adultes, ont quitté la maison et vivent maintenant avec quatre enfants âgés de trois à
huit ans. Elle a commencé à utiliser un supermarché d’aide sociale, comme le lui
avait recommandé son assistante sociale, et estime que sa situation s’est améliorée, mais il y a des semaines où elle ne peut pas payer 10 euros et où elle ne peut pas économiser de l’argent. Elle
se plaint que « même si j’ai l’énergie et la volonté, je ne peux rien faire sans moyens financiers ».
Une femme qui travaillait dans un aéroport mais qui a quitté son emploi après la naissance de son cinquième enfant. Il s’agit simplement d’un travail de mère. Il n’y a pas de salaire pour ce travail ».
Néanmoins, dit-elle, « les choses vont s’améliorer ».

La journaliste Mihoko Terada et son interprête Adrien Becam dans les locaux du Marché solidaire

Dans le cas du supermarché de l’aide sociale, les utilisateurs sont des personnes qui vivent dans le 14e district et bénéficient d’une aide publique, mais dont les revenus, après déduction des dépenses
telles que le loyer et la nourriture, sont inférieurs à un certain seuil. Représentant Gregory Lesca. Le quadragénaire a déclaré : « Nous examinons les dossiers et évaluons la façon dont ils peuvent améliorer leur situation en venant pendant trois à six mois, puis nous décidons qui peut accéder à l’épicerie ».
La plupart des utilisateurs sont des parents isolés. Il y a environ 50 à 60 familles à la fois. Les usagers peuvent aller au supermarché une fois par semaine pour une période de trois à six mois, avec un montant maximum qu’ils peuvent dépenser à la fois en fonction du nombre de membres de la famille. L' »estime de soi des utilisateurs » est renforcée par le fait qu’on leur demande de payer 20 %. Certains utilisateurs se fournissaient dans des supermarchés où ils avaient l’habitude de faire leurs courses. Ces personnes ne sont pas disposées à recevoir les produits gratuitement et il est
psychologiquement important pour elles de payer un peu. Il ne s’agit pas seulement d’aider les gens à prendre des économies. Il s’agit aussi de
mettre en relation des personnes dans la même situation en leur proposant des cours de cuisine et d’autres activités. Ces supermarchés de l’aide sociale sont répartis sur l’ensemble du territoire français et la Banque Alimentaire soutient 967 « supermarchés de l’aide sociale ».

D’autre part, il existe également de nombreuses associations qui soutiennent les personnes démunies en accueillant un public plus large que celui des supermarchés de l’action sociale et en distribuant des denrées alimentaires presque gratuitement. Montparnasse Rencontre est une organisation qui apporte une aide à la subsistance aux personnes démunies vivant dans le sud de Paris. Deux fois par semaine, elle organise une distribution gratuite de denrées alimentaires collectées auprès de la Banque alimentaire et d’autres sources. Environ 80 à 90 personnes s’y rendent chaque jour. Un homme de 57 ans, qui utilise le service depuis 2010, travaillait comme
photographe. Cependant, son emploi a chuté à la suite de l’a catastrophe de l’épidémie de Coronavirus. Sa vie est devenue difficile et il a trouvé son chemin jusqu’ici par l’intermédiaire de l’hôpital qu’il fréquentait. Une fois par semaine, il reçoit des légumes et du pain à emporter dans un sac.
Au fur et à mesure de leur participation, ils ont appris à connaître les bénévoles et ont entamé des conversations avec eux. J’ai pu me raser la barbe et me faire coiffer, et cela me permet de sortir. En venant ici, je me sens moins seul. J’ai l’impression d’appartenir à la société.

(Les âges et les taux sont ceux en vigueur au moment de l’entretien) Au supermarché de l’aide sociale, les produits peuvent être achetés à 20% du prix habituel : des légumes en conserve coûtant 1,40 € sont vendus à 0,28 €.

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